Au risque de ne plus avoir recours à des services essentiels et, notamment, à certaines prestations sociales, les publics les plus éloignés du numérique nécessitent le maintien d’une alternative « humaine » aux démarches en ligne sous forme d’un accompagnement personnalisé et encadré.

Pour rappel, les personnes les plus éloignées du numérique, ne représentent pas moins de 7% de la population française. Ils ne disposent d’aucune autonomie en la matière et sont, pour beaucoup, dans l’incapacité d’apprendre pour des raisons manipulatoires, cognitives, psychologiques ou d’illettrisme.

L’ASSISTANCE OU LE NON-RECOURS AUX DROITS

A l’occasion des Assises de la médiation numérique de novembre 2016, le Conseil national du numérique (CNNum) publiait dans “Libération” une lettre ouverte intitulée “L’administration numérique ne doit pas accélérer l’exclusion sociale”. Celle-ci appelait au “maintien d’une alternative humaine” et rappelait le constat du Défenseur des droits, de la Cimade et de multiples centres sociaux : “des serveurs téléphoniques saturés par des requêtes concernant des situations qui n’ont pas été prévues par le formulaire, des personnes qui – n’ayant pas accès à Internet – se déplacent aux permanences de guichets aux plages horaires qui ont été restreintes, pour être orientées à nouveau sur un site ou une adresse mail…”

Face à ce type d’usagers en grande difficulté, les professionnels de l’accompagnement se voient contraints d’adopter une posture d’ « assistance », qui consiste à réaliser une démarche « avec » l’usager voire, parfois, « à la place » de celui-ci. Il s’agit d’une solution de dernier recours qui va à l’encontre de la mise en autonomie de l’usager mais qui ne peut, aujourd’hui, être évitée lorsqu’il s’agit de démarches essentielles telles que l’accès à ses droits.

Les professionnels de l’accompagnement se voient contraints d’adopter une posture d’ « assistance », qui consiste à réaliser une démarche « avec » l’usager voire, parfois, « à la place » de celui-ci.

INTEGRER L’ASSISTANCE NUMÉRIQUE DANS LA DÉMARCHE D’ACCUEIL ET D’ACCOMPAGNEMENT SOCIAL

Lorsqu’il s’agit de démarches simples telles que, entre autres, la recherche d’une information, la réponse à un e-mail administratif, l’actualisation Pôle Emploi ou le téléchargement d’une attestation, les réseaux de solidarité et d’entraide qui sont au plus près des populations cibles sont essentiels.  Les médiateurs des Espaces Publics Numériques de France, les espaces de solidarité numérique du réseau Emmaüs Connect et de ses partenaires, mais aussi les Maisons de services au Publics ou encore l’entourage ou d’autres réseaux plus informels sont autant d’acteurs pouvant apporter ce type d’accompagnement personnalisé.

L’assistance sur des démarches plus complexes, nécessitant, par exemple, d’accéder à des données financières ou personnelles, peut être prise en charge par des réseaux d’acteurs formés et habilités (agents des opérateurs sociaux, assistants sociaux, écrivains publics…) ; le tout encadré par une charte éthique et légale claire. En effet, les intervenants sociaux, en particulier, remontent constamment le besoin d’un véritable cadre permettant d’harmoniser les approches d’accompagnement, mais aussi et surtout de veiller à la confidentialité des informations des plus précaires.

En 2016, la Mairie de Paris a étroitement travaillé avec Wetechcare à la création d’une “Charte de l’aidant numérique” déployée depuis auprès des acteurs du réseau parisien. Celle-ci a pour objectif de les sensibiliser à la protection des données personnelles des aidés, de les guider et de cadrer leur intervention d’un point de vue déontologique, sans pour autant constituer le cadre légal attendu par de nombreux d’intervenants.

Les intervenants sociaux […] remontent constamment le besoin d’un véritable cadre.

Entretien avec 

Pascal Martineau
Écrivain public, président de l’académie des écrivains publics de France

“En tant qu’écrivains publics, nous nous adressons aux personnes qui ont besoin d’une aide numérique immédiate. On ne leur apprend pas, on fait à la place. Par exemple, pour contacter une administration ou remplir un dossier. On va alors les aider à se connecter à leur compte CAF, à compléter leur déclaration de revenus, à aller sur le site de Pôle Emploi, etc. On intervient, comme on le fait à l’écrit traditionnellement, pour se substituer à eux dans le cadre d’une démarche administrative un peu compliquée. Par exemple, pour remplir son espace personnel en ligne sur Pôle Emploi, le nombre de mots est restreint : les gens qui ont du mal à écrire sont donc doublement pénalisés. Je travaille dans une Maison de la Justice et du Droit, où viennent me voir des publics qui ont des difficultés d’accès au numérique. Au-delà des démarches elles-mêmes, c’est l’accès à l’information la première aide numérique que nous leur apportons. Nous sommes un médiateur entre ces publics et Internet.”

Crédits photos : Sebastien Dehesdin et François Sylvestre de Sacy

Grands débutants ou avancés, 13 millions de français nécessitent de se former ou se perfectionner dans leurs usages numériques pour être réellement autonomes. Quelles solutions leur proposer ? Qui peut les accompagner ?

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