Nous nous sommes entretenus avec deux personnes ayant piloté la mise en place d’un réseau d’inclusion numérique sur leur territoire. Elles reviennent toutes deux sur les leviers de réussite de deux phases clés : le lancement et l’animation du réseau.

Amalia Martinez,
Chargée du développement des usages numériques au sein du Département des Pyrénées-Atlantiques.

Les Cahiers : Comment avez-vous motivé et fédéré les acteurs du territoire autour de ce projet ?

Amalia Martinez : « Avant de débuter la mission avec les acteurs du territoire, l’étape préalable était de conduire un travail de sensibilisation et d’acculturation auprès des élus, de la direction générale, des managers de proximité (chefs de services, directeurs des SDSEI*). Une fois cette adhésion recueillie nous avons pu nous rendre, in situ, à la rencontre des équipes de travailleurs sociaux et médico-sociaux  (plus de 400 rencontrés en 1 mois).

C’est beaucoup de temps et d’énergie mais l’adhésion au projet à tous niveaux constitue un facteur clé de réussite de notre démarche. Nous avons probablement gagné du temps pour la suite. Le besoin d’agir pour l’inclusion numérique est remonté par le terrain. Il était à la fois cohérent et nécessaire de nous adresser d’abord à l’interne, car ce sont nos agents qui sont et seront les premiers acteurs de terrain à déployer l’inclusion numérique au plus près des publics.

Pour les partenaires, l’inclusion numérique a été au cœur des débats avec l’Etat et ses opérateurs dans le cadre des travaux d’élaboration du SDAASP**. Les enjeux étaient partagés, les constats aussi. Réunir toutes les parties prenantes autour de cet enjeu de société en a été grandement facilité. »

LC | En quoi l’implication du Président du Conseil Départemental dès les premiers pas du projet a-t-il été un accélérateur ? 

AM : « Le portage politique en direct par notre Président, M. Jean-Jacques LASSERRE, est la clé. A la fois pour l’impulsion en interne mais aussi pour entrainer les partenaires en externe. C’est un gage de crédibilité et une garantie pour mener techniquement un travail de qualité. Cela nous permet également d’accéder et contribuer aux réflexions engagées sur l’inclusion numérique aux niveaux national avec le Secrétariat d’Etat au numérique et interdépartemental avec l’ADF. »

LC | Pourquoi avoir décidé de communiquer  fréquemment et à grande échelle sur l’avancée du projet ?

AM : « C’est un engagement fondateur voulu par le Président LASSERRE. Il le rappelle souvent : « l’inclusion numérique est l’affaire de tous ». Nous souhaitons maintenir la dynamique lancée le 11 octobre (plus d’une centaine de personnes présentes pour le lancement) au-delà des expérimentations conduites sur nos 2 territoires cibles. Toutes les structures qui ont marqué leur intérêt à la démarche, contribué au diagnostic, pourront alimenter et participer aux groupes de travail que nous allons mettre en place dès le mois de mars. Une newsletter et une page web dédiées à la mission sont en cours de finalisation également. »

LC | Votre projet est co-porté par la direction de l’action sociale et la direction du développement territorial. En quoi ce binôme est-il une force pour mener cette démarche ?

AM : « C’est incontestablement une force mais surtout un postulat méthodologique ! Conduire la mission différemment n’aurait pas eu de sens au regard de notre nouveau modèle départemental. Croiser nos regards et nos compétences « social » et « développement » c’est considérer qu’agir pour l’inclusion numérique, au-delà de l’accès aux droits, est un vecteur de développement territorial, social et économique. C’est d’ailleurs ce que tend à le démontrer la récente étude Wetechcare /Capgemini. »

Aurélie Le Gal, Chef de service de l’offre d’insertion pour le Département du Morbihan

LC | Après une année dédiée à la construction de ce réseau, comment animez-vous aujourd’hui ce collectif au quotidien ?

Aurélie Le Gal : « Coordonner un réseau à l’échelle d’un département ne peut pas reposer sur une seule personne. Dans le cadre de l’expérimentation pilote j’ai mesuré la disponibilité et le temps d’écoute nécessaires à la bonne animation du collectif. En effet, en phase de lancement par exemple, il faut prendre beaucoup de temps pour rassurer et, ainsi, faciliter l’acculturation et l’appropriation de chacun. C’est pourquoi nous avons opté pour une animation en binôme avec une forte dimension partenariale : un animateur appartient au conseil départemental et un second est issu d’un opérateur (CAF, CPAM, Pôle emploi) ou de l’union départementale des CCAS.

Nous les formons aux bonnes pratiques d’animation de réseau telles qu’organiser des réunions chez les partenaires, favoriser le partage de pratiques entre acteurs, faire intervenir des personnes extérieures au réseau…

Par ailleurs, nous avons découpé le territoire morbihannais en 7 réseaux avec une vingtaine de référents qui se retrouvent une fois par trimestre tandis que les animateurs recueillent en continu les problématiques à remonter au service chargé de la coordination.»

LC | Dans ce réseau les travailleurs sociaux ont un rôle clé dans le parcours d’accompagnement numérique : comment accompagner ces changements de postures et de pratiques ? 

ALG : « Parmi les travailleurs sociaux, il existe deux types de réticences : ceux qui n’ont pas de réelle appétence pour ces nouveaux outils et privilégient le format papier tandis que d’autres jugent la digitalisation comme une responsabilité exclusive des opérateurs et ne conçoivent pas de mettre en place une assistance numérique auprès de leurs publics. Aussi nous travaillons à la mise en place d’un atelier de sensibilisation, accessible d’ici l’été pour les travailleurs sociaux, qui leur donnera des clés sur les postures et pratiques à adopter.

Par ailleurs, nous invitons les structures sociales à s’appuyer sur les compétences de la médiation numérique, à l’image de l’expérimentation menée sur le pays de Ploërmel où des professionnels du centre médico-social ont travaillé avec l’association Orange solidarité. On peut très bien imaginer ce type d’action entre une médiathèque et un travailleur social de CCAS par exemple. La philosophie du réseau est non pas de défendre le tout numérique mais de démontrer que le numérique est un outil parmi d’autres au service de l’accompagnement humain, que de nouvelles modalités d’intervention restent à inventer avec, notamment davantage de transversalité et d’association de compétences. »

LC | Dans ce réseau les travailleurs sociaux ont un rôle clé dans le parcours d’accompagnement numérique : comment accompagner ces changements de postures et de pratiques ? 

ALG : « Parmi les travailleurs sociaux, il existe deux types de réticences : ceux qui n’ont pas de réelle appétence pour ces nouveaux outils et privilégient le format papier tandis que d’autres jugent la digitalisation comme une responsabilité exclusive des opérateurs et ne conçoivent pas de mettre en place une assistance numérique auprès de leurs publics. Aussi nous travaillons à la mise en place d’un atelier de sensibilisation, accessible d’ici l’été pour les travailleurs sociaux, qui leur donnera des clés sur les postures et pratiques à adopter.

Par ailleurs, nous invitons les structures sociales à s’appuyer sur les compétences de la médiation numérique, à l’image de l’expérimentation menée sur le pays de Ploërmel où des professionnels du centre médico-social ont travaillé avec l’association Orange solidarité. On peut très bien imaginer ce type d’action entre une médiathèque et un travailleur social de CCAS par exemple. La philosophie du réseau est non pas de défendre le tout numérique mais de démontrer que le numérique est un outil parmi d’autres au service de l’accompagnement humain, que de nouvelles modalités d’intervention restent à inventer avec, notamment davantage de transversalité et d’association de compétences. »

*Services Départementaux de la Solidarité Et de l’Insertion ; il en existe 7 dans le Département.
**Schéma départemental d’amélioration de l’accessibilité des services aux publics

Jean-Jacques Lasserre, Président du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques témoigne de sa volonté politique d'agir pour l'inclusion numérique des personnes vulnérables présentes sur son territoire.

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