En novembre 2017, l’étude Digital_Gouv’ 2017 révélait  que quasiment 1 français sur 2 (47%) a besoin d’un accompagnement pour l’utilisation des services en ligne tandis qu’encore 31% ne se sentent pas compétents pour utiliser un smartphone ; 12% ne disposent pas d’une connexion internet. Mais derrière ce constat se cache en réalité une très grande disparité de profils et de difficultés numériques.

Aujourd’hui, pour les acteurs qui sont appelés à agir en faveur de l’inclusion numérique, les contours de cette précarité restent encore trop flous. Le niveau numérique des Français est globalement surestimé et, contrairement aux idées reçues, la fracture numérique est loin de s’être résorbée.

DE L’EXCLUSION A L’AUTONOMIE : DES RÉALITÉS DIFFÉRENTES

Le risque d’exclusion numérique recouvre des réalités variées, mises en lumière par les travaux sur le terrain d’Emmaüs Connect et de Wetechcare, qui distinguent 3 profils-types d’usagers aux besoins d’accompagnement différents, comme l’illustre le schéma ci-après :

  • Les personnes proches de l’autonomie, dites « avancées » (environ 14% de la population), qui possèdent un équipement et des compétences numériques de base mais qui ne les mobilisent pas de manière optimale par peur de « mal faire », par méconnaissance, par manque de motivation ou par préférence pour les interactions en face à fac
  • Les personnes débutantes ou d’un niveau intermédiaire (environ 19%), qui disposent de compétences numériques faibles et ne se connectent que rarement à Internet. Un effort de formation aux outils numériques et une simplification accrue des démarches devraient améliorer sensiblement leur utilisation des services en ligne.
  • Les personnes très éloignées du numérique considérées comme « exclues » (environ 7%), qui n’ont aucune autonomie dans l’utilisation des outils numériques, parfois du fait de situations particulières comme un handicap ou l’illettrisme. Une alternative au 100% digital via un accompagnement humain est indispensable. Ces personnes ont besoin que l’on réalise leurs démarches avec elles.

ACCÈS, MOTIVATION, CONFIANCE

Ceux qui se présentent comme les moins habiles pour utiliser un ordinateur sont aussi les plus réfractaires à un tel apprentissage. C’est pourquoi, pour orienter une personne vers une solution d’accompagnement, il est nécessaire qu’elle ait compris les  intérêts du numérique (gain de temps, autonomie, économies budgétaires, communication facilitée, accès à la connaissance, à l’information et au marché de l’emploi), et levé ses craintes. Autre enjeu clé, l’accès à l’équipement et à la connexion. Si l’accès à Internet a beaucoup progressé ces dix dernières années,  12% de la population française n’est toujours pas « internaute « . La couverture numérique du territoire, les conditions d’accès aux offres ou encore le développement de solutions d’équipement informatique à tarif solidaire restent des enjeux clés au service de la mise en capacité numérique des habitants.

DÉTECTER MASSIVEMENT LA PRÉCARITÉ NUMÉRIQUE SUR LE TERRAIN

Parce que l’un des facteurs les plus discriminants en matière de précarité numérique n’est autre que la précarité sociale – la proportion de personnes en difficulté numérique augmente dans les réseaux d’accompagnement des publics les plus fragiles, atteignant parfois les 50 % aux guichets des opérateurs[1] de services sociaux –, les acteurs qui sont en permanence au contact de ces populations sont les mieux placés pour intégrer une évaluation des besoins à leurs pratiques quotidiennes. Aussi, les travailleurs sociaux, les agents des opérateurs, les écrivains publics et les autres acteurs associatifs du terrain sont aux premières loges pour évaluer le niveau numérique des individus qu’ils accompagnent et les orienter vers les bonnes solutions d’accompagnement. Or, actuellement, moins de 20% des structures ont une procédure de détection systématique des difficultés numériques des usagers. Ce diagnostic doit être adapté aux différents contextes d’usage. En effet, un diagnostic déclaratif est mieux adapté en cas de flux important alors que des exercices de mise en situation peuvent être pertinents dans le cadre d’entretiens longs ou dans des contextes plus calmes.

Une évaluation massive, permettrait de mesurer, au fil des années, l’impact des solutions apportées, d’évaluer les besoins non couverts et d’améliorer en continu l’offre proposée.

[1] Pôle Emploi, de la CAF, de la MSA, de l’Assurance Maladie, de l’Assurance Vieillesse, mais aussi de l’État (préfectures et centres des impôts), et d’entreprises privées ou semi-publiques comme la Poste,  la Banque Postale, EDF ou la SNCF

 

CREER UN OUTIL DE DIAGNOSTIC ET PARTAGER DES PRATIQUES D’EVALUATION COMMUNES

S’il existe des systèmes de certification des compétences numériques – comme le brevet informatique et internet (B2I), le référentiel européen Digicomp, la plateforme publique d’évaluation et de certification PIX – tous ont pour objectif de valider un certain nombre d’acquis numériques, et ce à visée professionnelle, et non d’identifier les individus en difficulté et leurs besoins afin de les orienter vers un accompagnement adéquat. De plus, l’évaluation du niveau numérique des Français est trop souvent déclarative, et donc subjective. Le baromètre annuel du CREDOC, par exemple, est un sondage.

Un diagnostic efficace nécessite donc d’intégrer un référentiel ainsi qu’un dispositif d’évaluation commun à tous les acteurs.

Point de départ indispensable, ce test de positionnement n’est, bien sûr, que la première étape du parcours d’accompagnement de l’usager vers l’autonomie numérique. Diagnostiquer, orienter, motiver, former, sont autant d’étapes du dispositif à mettre en œuvre à grande échelle.

LAÏLA TEBBAL,

CONSEILLÈRE A POLE EMPLOI DAVIEL (PARIS 5E ET 13E)

“Nous avions conscience de la problématique de l’exclusion numérique. Le développement du digital et de la dématérialisation de nos services, nous a permis de réorganiser notre espace d’accueil équipé de postes informatiques en accès libre. Certains usagers, ne savent pas utiliser leur espace personnel, s’actualiser, scanner des documents…  Nous avons alors augmenté le nombre d’agents pour les accompagner dans l’utilisation de leur espace. Notre difficulté était d’évaluer leur autonomie numérique… C’est pourquoi, au printemps 2017, nous avons mené une expérimentation en partenariat avec Emmaüs Connect. Nous avons sensibilisé l’ensemble de nos agents à l’exclusion numérique. Ensuite, nous avons formé 15 d’entre eux au diagnostic d’autonomie numérique. Celui-ci est réalisé grâce à l’indicateur de la plateforme Les Bons Clics, accessible depuis les 22 ordinateurs de notre espace d’accueil. Au total, en deux mois et demi, nous avons évalué le niveau de près de 200 demandeurs d’emploi.  Les usagers viennent nous voir avec un besoin précis. Les agents commencent par y répondre, et ensuite leur proposent ce diagnostic. Une fois celui-ci réalisé, nous les orientons vers les ateliers adaptés à leur niveau (débutant, intermédiaire, avancé). Les ateliers portés par Emmaüs Connect, concernaient les usagers les plus éloignés du numérique ; Ceux animés par Pôle Emploi, pour les plus autonomes. Près de 150 personnes ont bénéficié des ateliers  “Maîtriser votre actualisation à Pôle emploi” intégrée au site Les Bons Clics ainsi qu’une mise en pratique sur « comment  scanner des documents sur son espace personnel. A la suite des ateliers, 94 % de ceux qui ne savaient pas s’actualiser déclarent savoir le faire aujourd’hui seul ou avec l’aide quelqu’un. »

DIAGNOSTIC DES COMPÉTENCES NUMÉRIQUES DE BASE : ZOOM SUR L’INDICATEUR DE LA PLATEFORME LES BONS CLICS

Sollicité par de nombreux acteurs sociaux pour créer un outil de diagnostic, WeTechCare a lancé en 2017 une première version d’un test de positionnement, co-construit avec les acteurs de terrain dont la CAF et accessible à tous gratuitement sur sa plateforme Les Bons Clics. Structuré autour de 5 exercices, cet outil plonge l’usager en condition réelle: utilisation de la souris et du clavier, accès à Internet, recherche sur le Web, envoi d’un mail et navigation sur le site Impots.gouv.fr.

Cet indicateur est appelé à être déployé à l’accueil des guichets  Pôle Emploi ou CAF, par exemple. Mais il peut aussi  être réalisé en entretien individuel dans le cadre d’un accompagnement social, dans une bibliothèque, un EPN ou tout autre lieu réalisant des animations collectives, il peut être à disposition sur les ordinateurs ou tablettes et devenir la première étape permettant de créer des groupes de niveau homogène et de définir le parcours de formation adapté.

Les personnes les plus éloignés du numérique représentent pas moins de 7% de la population française. Elles nécessitent le maintien d’une alternative « humaine » aux démarches en ligne sous forme d’un accompagnement personnalisé et encadré.

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