La formation aux usages de base, vers un service public délégué ?

Les usagers ne viendront pas aux services numériques, le numérique doit aller à eux. Ils n’en ont pas nécessairement la capacité ou les moyens matériels, voire l’envie. Le gouvernement britannique, tous ministères confondus, a saisi toute la mesure de cette réalité et a décidé de financer la formation aux compétences numériques de base des Britanniques selon un modèle proche de celui de la délégation de service public française. La Tinder Foundation, association qui lutte contre l’exclusion numérique, en charge de la gestion des 5000 espaces publics numériques anglais, a ainsi été financée à hauteur de 3,2 millions d’euros pour former 100 000 bénéficiaires en 2013. Cette même association a également remporté un appel à projet de plusieurs millions d’euros lancé par le National Health Service, organisme public en charge de la santé outre-manche, pour former 100 000 usagers fragilisés et déconnectés à l’utilisation de ses services de santé en ligne.

Les exclus du numérique, un vivier de clients pour les entreprises ?

Le secteur privé participe également à l’effort financier. Certaines entreprises parapubliques – qui jouent un rôle primordial dans l’accès aux biens essentiels comme l’eau ou l’électricité – et des télécommunications se sont engagées à financer une partie de l’inclusion numérique des populations déconnectées. On recense plusieurs types de participation : campagnes de sensibilisation aux avantages du numérique, mécénat de compétences, offre de formations gratuites avec la mise à disposition de leurs locaux et la transformation de leurs salariés en Digital Champions, formation de bénévoles pour aider les débutants à développer leurs compétences numériques, etc. E.ON, géant de l’énergie, est actif sur ces différents volets. L’entreprise finance par exemple la structuration du réseau de ces Digital Champions, en partenariat avec la Tinder Foundation. Elle s’est également engagée à former deux tiers de ses usagers (20 000 personnes pour commencer en 2014) à la gestion de leurs comptes en ligne d’ici 20203. L’entreprise prépare ses usagers à devenir des clients connectés qui pourront ainsi bénéficier d’une relation simplifiée avec leur prestataire de service, et d’outils en ligne de gestion de leur consommation d’énergie.


[titre_hashtag] > Ils font l’inclusion numérique :
En conversation avec la Tinder Foundation[/titre_hashtag]

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Implanté dans le paysage numérique anglais depuis plus de trois ans, la Tinder Foundation est une entreprise sociale qui promeut et soutient un numérique plus solidaire.
La Fondation coordonne et anime le réseau des UK Online Centres (les Espaces Publics Numériques version britannique) qui dispensent à leurs bénéficiaires des formations bureautiques et web gratuites. Ils poursuivent tous un seul et même but: améliorer les conditions de vie des personnes déconnectées grâce au numérique.

 

Connexions Solidaires. Pouvez-vous nous présenter la Tinder Foundation, son statut, son rôle et ses missions ?

Tinder: Depuis 2010, nous avons aidé plus de 1,3 millions d’individus à améliorer leurs compétences numériques, et ce faisant,  nous les avons également orientés vers d’autres opportunités d’apprentissage en ligne, accompagnés dans l’amélioration de leur employabilité, aidés dans la gestion de leurs finances ou encore dans l’acquisition de connaissances basiques en matière de santé.

CS. Quel est le rôle des UK Online Centres ?

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Notre mission principale est de répondre aux besoins très locaux de nos espaces numériques, tout en mettant en place un soutien et des outils qui insufflent à leurs activités locales un impact national.

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Tinder: Les UK Online Centres sont des bibliothèques, des maisons de quartier, des lieux de culte ou encore des entreprises sociales, qui proposent des ateliers d’initiation au web et à la bureautique adaptés aux besoins de leur communauté. Néanmoins, ils partagent un socle commun conçu par la Tinder Foundation puisque nous avons une équipe dédiée au soutien de ces centres. Elle dialogue avec eux régulièrement, co-construit des contenus de formation, accompagne la structuration des espaces d’accueil et forme les équipes de médiation.  En résumé, notre mission principale est de répondre aux besoins très locaux de nos espaces numériques, tout en mettant en place un soutien et des outils qui insufflent à leurs activités locales un impact national.

CS. Quels outils avez-vous développé pour atteindre cet impact national ?

Tinder: L’aide la plus importante que nous garantissons à nos espaces numériques est le site Learn My Way. Gratuit, accessible et facile d’utilisation, il propose des contenus d’apprentissage de qualité aux personnes qui utilisent pour la première fois un ordinateur et internet. Des contenus de formation interactifs permettent d’accompagner les apprenants, des compétences numériques les plus basiques (comme l’utilisation du clavier) aux compétences plus complexes telles que la gestion de ses comptes ou le shopping en ligne. De plus, si les centres enregistrent des apprenants sur le site Learn My Way, ils peuvent recevoir un suivi détaillé de ce que leurs « protégés » font en ligne et, ainsi, suivre leur parcours d’apprentissage.

CS. Comment avez-vous déterminé les programmes de formation ?

Tinder: Nous les co-construisons avec nos espaces numériques. Par exemple, l’année dernière, suite à une forte demande de ces centres, nous avons développé un guide pour aider à utiliser le site gouvernemental de recherche d’emploi, Universal Jobmatch. Nous avons également conçu des formations pour écouter des émissions de télévision ou de radio en ligne, ou encore pour utiliser l’internet mobile. Grace à Learn My Way, les bénévoles et formateurs peuvent démarrer très vite et garantir un service ciblé sur des besoins très concrets.

CS. J’imagine que vous centralisez les bonnes pratiques qui permettent élargir l’impact de vos centres ; pouvez-vous partager votre top trois ?

Tinder: Tout à fait, nous rassemblons autant de bonnes pratiques que possible et nous les partageons avec l’ensemble de notre réseau. Nous retenons surtout:

  1. Qu’il est important de faire en sorte que l’acquisition des compétences numériques corresponde aux intérêts et motivations des bénéficiaires. Si réaliser des économies les intéresse, alors il faut les aider à trouver le moyen de faire cela en ligne. S’ils ont de la famille et des amis à l’étranger, alors apprenons à utiliser Skype… Il est important de rendre les choses personnelles.
  1. Afin de briser les barrières, il est important de « faire sortir » la formation et de l’amener dans les lieux où les gens se sentent à l’aise. Cela peut être dans un hébergement, un lieu de loisir ou même un café.
  1. Enfin, nous mettons l’accent sur l’accès personnel à domicile, mais c’est un obstacle difficile à contourner. Nous travaillons avec des partenaires commerciaux pour aider les centres et les apprenants à s’équiper et se connecter à prix réduit.
CS. Au Royaume-Uni, les secteurs public, privé et associatif semblent travailler main dans la main pour réduire la fracture numérique. Comment l’expliquez-vous ?

Tinder: En effet, nous travaillons en étroite collaboration avec les auteurs de la stratégie gouvernementale d’inclusion numérique, Go ON UK et le Government Digital Service (GDS). Le gouvernement britannique soutient l’inclusion numérique depuis les années 90, qui voyaient alors émerger la question de l’accès à internet. Mais depuis 2006, il est devenu clair que l’exclusion numérique a davantage trait aux compétences, et c’est pour cela que le gouvernement a commencé à financer le réseau des UK Online Centres. Ces dernières années, le débat s’est focalisé sur l’impact économique des politiques d’inclusion numérique car le gouvernement mise sur l’e-inclusion pour booster l’économie du pays. Pour atteindre notre objectif de croissance économique à travers le numérique, il est important de s’assurer que personne ne soit laissé de côté. Parallèlement, le secteur privé a également saisi l’importance d’accompagner ses clients en ligne et de les encourager à commercer sur internet. Nous partageons donc tous la conviction qu’avoir 97% ou 98% de notre population connectée, et confiante dans l’utilisation d’internet, stimulera l’économie tout en nourrissant une société plus juste.