Suite à l’annonce de Mounir Mahjoubi, Secrétaire d’Etat chargé du numérique, le 6 décembre 2017, du déploiement de schémas départementaux d’inclusion numérique d’ici l’été 2018, nous avons sollicité Claude Riboulet, nouveau Président de la commission Innovation et numérique à l’Assemblée des départements de France et Président du Conseil départemental de l’Allier afin qu’il nous partage la perception des départements sur cet appel à agir.

Les Cahiers : Quel écho cette annonce a-t-elle eu dans les départements ?

Claude Riboulet : Un écho immédiat puisque le Ministre et le Président de l’ADF, Dominique Bussereau,  se sont entretenus dès le 7 décembre avec une délégation de Présidents de Départements : Valérie Simonet pour la Creuse Mathieu Klein pour la Meurthe-Moselle, Jean-Jacques Lasserre pour les Pyrénées-Atlantiques, et moi-même, Président de l’Allier.

Les Départements sont en charge de la cohésion et des solidarités sociales et territoriales. C’est au titre de cette compétence qu’ils s’investissent depuis plus de 10 ans de façon pionnière dans les infrastructures fixes et mobiles pour apporter l’accès au haut et maintenant au très haut débit, au côté de l’Etat, dans les territoires les plus ruraux où les grands opérateurs privés nationaux considéraient que c’était pour eux non rentable. Ils ont fait de même dans le domaine des usages en créant rapidement des portails d’information et des premiers services en ligne.

Nous sommes aujourd’hui face au défi de la dématérialisation complète des démarches administratives. 20 à 30 % de nos concitoyens la redoutent et s’en inquiètent.

Quelques millions risquent de rester au bord de la route parce qu’éloignés des nouvelles technologies ou non formés. Pour les départements, il va de soi que leurs compétences solidaires et de cohésion sociale s’appliquent aussi aux usages numériques. Le 7 décembre, un partenariat inédit a été lancé entre  le Secretariat d’Etat en charge du numérique, l’Agence du Numérique et l’Assemblée des Départements de France visant une mobilisation collective et coordonnée pour rendre effective la stratégie nationale d’inclusion numérique lancée le 6 décembre.

 

 

 

LC : Les départements sont-ils les accélérateurs de la transformation numérique de notre société ?

CR : Les Départements n’ont pas attendu 2018 ni l’apparition des schémas directeurs des usages numériques pour être des activateurs de la transformation numérique de la société.

Leur rôle dans le déploiement des accès à l’internet dans tous les territoires a été déterminant et, très tôt, ont fleuri, de multiples innovations et expérimentations dans le domaine de l’éducation, de l’administration électronique, de l’e-santé, de l’e-tourisme, du télétravail, de clusters numériques pour les PME et, bien sûr, de la médiation numérique avec, au début des années 2000, leurs concours à la création de cybercentres et de postes dédiés à la découverte et à la maîtrise d’internet dans des médiathèques.

Le temps n’est plus à la découverte mais celui de la massification des usages, celui de la transformation des métiers par les technologies mobiles, par l’économie de la donnée, par le big data, l’open data, l’internet des objets, etc.

L’opportunité pour les Départements est, au nom de leurs compétences solidaires et sociales de réaffirmer leur vocation d’animateur des territoires, d’assembleur des énergies, de passeur dans la proximité des bonnes pratiques. Une opportunité  de rendre les territoires plus cohésifs pour tirer ensemble profit du numérique.

LC : Mounir Mahjoubi a promis le déploiement à l’échelle départementale d’une organisation et de moyens pour l’été prochain. Quels sont les besoins des départements pour passer à l’action ou pour changer d’échelle ?

CR : Jusqu’à maintenant, dans les départements, comme dans d’autres niveaux de collectivités, le déploiement des usages du numérique s’est fait sur le mode de l’expérimentation en s’appuyant sur de petites équipes d’innovateurs et sur le mode de la modernisation technique par le biais de l’investissement dans les outils informatiques. La transformation numérique de la société, des organisations, des métiers, des compétences, des façons de concevoir et d’agir, n’a pas encore vraiment fait l’objet d’une politique et d’une stratégie volontariste globale inscrite dans la durée. Cette politique, ne se décrètent pas du jour au lendemain.

Un énorme travail d’acculturation aux enjeux de l’inclusion numérique est à produire à tous les niveaux des collectivités et de l’organisation des administrations territoriales, à savoir en direction de tous les élus, des directions générales et de services, des travailleurs sociaux et des agents au contact des citoyens. Ce travail est une étape obligatoire si l’on veut que la démarche lancée au national soit un succès

Notamment pour ce qui concerne le domaine social, ce travail doit être fait dans le cadre de groupe de travail incluant les autres opérateurs publics et associatifs des bassins de vie, (CCAS, MSAP, CAF, MSA, Pôle-Emploi, CPAM, associations d’aide à domicile, etc). De même, nous considérons que cette stratégie d’inclusion numérique doit englober les établissements scolaires et l’éducation nationale.

De ce point de vue, l’impulsion de l’Etat vis-à-vis de ces opérateurs va être déterminante pour la mise en œuvre des partenariats de terrain, territoire par territoire, bassin de vie par bassin de vie.

Le problème qui va se poser est le déficit de l’offre de formation en matière de culture générale du numérique. Or nous savons que pour être rapidement opérationnel, la preuve par l’exemple et l’échange entre pairs sont les plus efficaces et probants.

Pour faire en sorte que le métier de médiateur numérique soit reconnu en même temps que le numérique et l’action sociale avancent rapidement de concert, les Départements des Pyrénées-Atlantiques et du Morbihan se sont appuyés sur l’expérience et l’accompagnement d’Emmaüs Connect et de WeTechCare.

L’ADF va promouvoir ces approches et méthodes grâce au groupe interdépartemental « ADF  Inclusion et administration numérique » dont l’animation lui a été confiée lors de la Commission Innovation du 6 février 2018. D’ores-et-déjà, plusieurs autres départements se sont déclarés partants pour épauler cette animation : le Calvados, la Gironde, le Puy-de-Dôme,…, et bien sûr l’Allier.

Amalia Martinez, chargée du développement des usages numériques au sein du Département des Pyrénées-Atlantiques et Aurélie Le Gal, Chef de service de l’offre d’insertion pour le Département du Morbihan ont piloté la mise en place d’un réseau d’inclusion numérique sur leur territoire.

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