Dématérialisation des services, nouveaux modes de suivi et d’accompagnement… la transformation numérique percute et révolutionne aussi le travail social. Les professionnels du secteur voient notamment émerger un nouveau public qui cumule précarités sociale et numérique. Sans jamais avoir été préparés à accompagner ces personnes et alors qu’une évolution de leurs pratiques professionnelles s’impose, leur demande est simple : renouveler les offres de formation. 

Numérique : le petit nouveau des catalogues de formation

Jusqu’à présent, le numérique n’a jamais été un sujet de formation initiale ou continue des professionnels de l’action sociale. Toutefois, des initiatives issues des centres de formation privés ou associatifs commencent à émerger. Des formations spécifiques, souvent liées à l’utilisation des services en ligne de recherche d’emploi (réseaux sociaux et communication digitale, entre autres), ont déjà vu le jour. Dans un registre plus généraliste, l’initiative du lillois Netice, ou celle lancée par Emmaüs Connect, tentent de répondre aux besoins exprimés par les professionnels dans l’étude que nous avons conduite, à savoir :

•  L’absence de procédure systématique de détection des problèmes numériques des publics accompagnés (seuls 20% se sentent outillés).

•  Une faible connaissance des services web et outils numériques qui peuvent être mobilisés dans l’accompagnement des publics.

•  Les problèmes d’animation et de gestion des espaces numériques mis à disposition.

•  La difficulté d’établir des ponts avec les acteurs numériques et à proposer des solutions pérennes d’accompagnement des publics fragiles (seuls 30% de nos répondants en sont capables).

Au-delà des frémissements : une offre se structure

Sensibles à certaines de ces demandes, les acteurs institutionnels se positionnent sur ce créneau. Les Instituts de Formation des Travailleurs Sociaux (IFTS), l’Union Nationale des Centres Communaux d’Action Sociale (UNCCAS), et le Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT) intègrent la question du numérique dans leur offre de formation et leur programmation événementielle. De son côté, le CNFPT expérimente à partir de 2016 une formation des cadres de l’action sociale aux enjeux de l’inclusion numérique. Interrogé, il nous explique sa démarche : « En complément de l’enjeu d’accès aux droits, il s’agit d’être attentif à l’appropriation de cet outil et de son usage pour lutter contre les inégalités. Le numérique peut également être porteur pour les individus et notre société. Le mobiliser peut ainsi permettre aux collectivités d’améliorer les dispositifs sociaux. Pour les travailleurs sociaux, l’usage des outils numériques peut être un levier intéressant de reconquête de l’estime de soi, de lien social et de développement du pouvoir d’agir pour accompagner le projet d’une personne ou d’un groupe. Ce sont ces enjeux que nous souhaitons partager avec les professionnels territoriaux à travers notre offre : évènements tels que la rencontre territoriale de novembre 2015 sur le nonrecours, expérimentation de stages pour les cadres/ directeurs de l’action sociale cette année…»

Sur le terrain, l’action sociale, confrontée chaque jour à ces nouvelles problématiques, exprime une forte demande de préparation et d’outillage. A l’issue d’une formation, une stagiaire nous explique : « J’ai besoin d’apporter aux personnes que je reçois des réponses plus efficaces. Désormais, je me sens mieux armée pour répondre aux demandes de mes usagers liées aux télécommunications ». Se former pour faire face, mais surtout pour aller plus loin et attaquer la vague avant qu’elle ne déferle : et si demain le métier du travailleur social était aussi de participer à des dispositifs d’accompagnement vers le numérique, voire d’accompagner vers l’autonomie numérique ? Impensable ? Mais pas complètement impossible.

Numérique et secteur social

La dématérialisation des services publics freine-t-elle l’accès aux droits des usagers les plus fragiles ?

Héléna Revil, docteure en science politique, répond à nos questions.